I - L’ÂGE DES USINES, DES MACHINES ET DES BUILDINGS
DANS LA PEINTURE AMÉRICAINE DES ANNÉES 30. 

Séminaire  « Intru » (interactions, transferts, ruptures dans les arts et la culture) Tours, 2016.

Image 1 - Ch. Demuth, Incense of a New Church, 1921.

PREMIÈRE PARTIE

Image 1 : Exergue
« Brûlons les gondoles, ces balançoires à crétins, et dressons jusqu’au ciel l’imposante géométrie des grands ponts de métal et des usines chevelues de fumées pour abolir, partout, la courbe languissante des vieilles architectures. », Marinetti, Venise passéiste, 1910

En amont de cette conférence, se trouvent deux rencontres :

1 - Celle des Précisionnistes américains.
Images 2 et 3

   
Image 2 - Ch. Sheeler, American Landscape, 1930. - Image 3 - G. Ault, New Moon, 1945.

Ils constituent une région de ce qu’on appelle l’American scene (à laquelle Hopper, bon an mal an, est rattachable)
Ces Précisionnistes m’intriguaient fort, soit pour leur photo-réalisme étrange et leur constructivisme assagi, soit pour leur tendance à l’abstraction géométrique.

2/ La seconde rencontre a lieu à Tours, au Musée des Beaux Arts, il y a  25 ans. Je tombai, ce jour là, en arrêt, devant une toile de Bernard Boutet de Monvel (le fils du grand dessinateur Maurice Boutet de Monvel), Intitulée New York William Street.

Image 4 

Image 4 - Boutet de Monvel, New York, 1930.

Il existait donc un « Précisionniste français » dans le musée de la ville où j’habitais ! 

Image 5 - Boutet de Monvel, Usines, vers 1930. - Image 6 - Boutet de Monvel, Toits de New York, 1930.

Images 5 et 6
De fil en aiguille, j’allais voir les Boutet de Monvel en France : à Blérancourt (musée franco-américain, accompagné par Élizabeth et Jacques Davidson), à Orléans, puis au Havre (Boutet fut un portraitiste mondain français qui se fit précisionniste en allant aux USA. Boutet avait photographié New York, puis l’avait peinte).
Quel est mon propos, ce soir ? j’aimerais montrer qu’il y eut, aux USA, entre les deux guerres notamment, des peintres de talent, les Précisionnistes qui sont quasi inconnus chez nous. (excepté leur « cousin » Hopper).
Aux USA, un peu avant les années 30, s’affirment donc les Précisionnistes (qui pratiquent également la photo), dont le plus connu est Charles Sheeler. Où se situe le précisionnisme, picturalement ? Il est un des courants de ce qu’on appelle le courant Régionaliste ou Scène Américaine (American Scene). 

Images 7 et 8
Même si l’on rattache les tableaux qui précèdent au régionalisme (qui comme son nom l’indique s’attache à peindre la province), il reste que la ville, grande ou petite, est englobable dans cette catégorie .

Image 7 - Dale Nichols, City National Bank, 1937. - Image 8 - Gale Stockwell, Parkville, Main Street.

Images 9 et 10

Image 9 - John Rogers Cox, Grey and Gold, 1942.

Mais la campagne n’est pas en reste.
Curieusement, il peut s’agir des paysages agrestes, des villages (parfois peints de façon idyllique alors que la crise économique de 29 a éclaté ! Les tableaux de Grant Wood sont exemplaires à cet égard : image 10.

Image 10 - Grant Wood, Stone City, 1930.

Images 11 et 12
Même si ma classification est discutable, nous avons :
d’un côté (image 11) : L’Amérique du gigantisme et de la modernité conquérante, industrielle ou citadine ; 
- de l’autre côté (image 12), une Amérique traditionnelle agrarienne, même si déjà fortement marquée par « la course au Progrès » et la loi des rendements (« the machine is - yet - in the garden » - pour parler comme Leo Marx).   

Image 11 - Earl Horter, Chrysler Building in construction, 1931. - Image 12 - Hart Benton, Le Passage du train, fin des années 30.

Images 13, 14 et 15
Ainsi qu’on l’a laissé entendre, au sein de l’American scene, à coté des Régionalistes se range un courant moderniste où l’accent se porte sur le gigantisme des usines (on l’a vu), des immeubles ou bien, encore, la concentration et la rationalité des équipements infrastructurels : puissance et de la modernité.   

Image 13 - G.O’ Keeff, City Night, 1926. - Image 14 - Ch. Sheeler, Red Buildings, vers 1930.
Image 15 - L. Lozowick, gravure vers 1930.

Images 16 et 17
Nous dirons des Précisionnistes qu’ils sont des « modernistes classiques ». Car, même si leurs objets sont neufs, les modalités de représentation desdits objets sont celles de la tradition. Leurs sujets sont bien corsetés : à savoir cadrés « quasi photographiquement », et encadrés comme  les tableaux traditionnels. En somme, les paysages industriels de Sheeler ou de ses semblables sont les équivalents des landscapes naturels d’un Albert Bierstadt (peintre romantisant de l’Ouest Américain), pour ne rien dire de la Monument Valley.   

Image 16 - Ch. Sheeler, Fugue. - Image 17 - A. Bierstadt, Mount Corcoran. 1876.

À noter que nos « modernistes classiques » sont à bien différencier des modernistes tout court, très novateurs (dont parlent volontiers les historiens d’art en oubliant les premiers).

Images 18 et 19
Remarquons encore qu’un Sheeler, par exemple, connaissait le Alfred Ztieglitz de la galerie  291, très marqué de son côté par les novateurs français : les Cubistes, Fernand Léger, mais aussi Duchamp et Francis Picabia.   

Image 18 - Gerald Murphy, Watch, 1925 (2 x 2 m) - Image 19 - Stuart Davis, Lucky Strike, 1921.   

Images 20, 21, 22, 23, 24 et 25
Mais revenons aux Précisionnistes, ces modernistes classiques. En voici une petite sélection :

Image 20 - Edmund Lewandoski, Oil Company, circa 1940. - Image 21 - Georges Ault, Bright Light at Russell's Corner, 1946. 
Image 22 - (accompagnée d’une œuvre de l’Allemand Wunderwald, Berlin, 1919 qu’Ault ne dut jamais connaître)
Image 23 - Niles Spencer, The Silver Tanks, 1948.

Image 24 - Charles Demuth, Building Lancaster, 1930. - Image 25 - Ralston Crawford, Grain Elevator from the Bridge, 1942.
Image 26 - Philip Elliot, Sherlocta,1943 (avec un personnage).